Après l’émouvant et drôle « Une année chez les Français », qui pour moi était l’un des meilleurs livres de la dernière rentrée littéraire (et que vous pouvez désormais trouver en poche, franchement, n’hésitez pas), Fouad Laroui revient avec un conte franco-marocain : « La vieille dame du riad ».
Un couple bourgeois-bohème parisien se décide à s’installer au soleil de Marrakech et acquiert un riad dans lequel se trouve un merveilleux et « gigantesque bigaradier en fleurs », ce qui fait leurs délices, et dans une chambre une vieille femme silencieuse, noire et chenue, ce qu’ils apprécient moins. Incapables de se débarrasser de leur visiteuse qu’elle soit apparition ou squatteuse, ils se résolvent à s’atteler à la mission que Mansour, leur voisin, un professeur d’université, croit l’avoir entendu leur confier : « ces chrétiens sont venus me ramener mon fils Tayeb ».
La deuxième partie du livre est dédiée au récit de cette disparition et surtout à ce qui semble au cœur des priorités du romancier à l’histoire de la colonisation du Maroc. Soldat d’Abdelkrim, Tayeb participe à la résistance et à la chute de ce fin stratège et peut-être premier rebelle pris au sérieux par les puissances coloniales. Elégant, inspiré et pédagogue, Laroui rappelle ou enseigne quelques faits souvent omis : « La conquête du Maroc ne s’achève qu’au milieu des années 30. La résistance à la colonisation a fait, depuis 1902, trente-huit mille morts français, plus que n’en fera la guerre d’Algérie entre 1954 et 1962 (trente-trois mille). » L’auteur par sa plume paraît vouloir recouvrer un honneur perdu et la fierté d’avoir résisté avec vaillance.
Mais la question qui se pose est alors la suivante : peut-on acheter un livre pour cent savoureuses pages seulement ? Car si cette partie historique est simple, percutante, enlevée et plutôt spirituelle, celles qui l’entourent sont bien plus pataudes. Les dialogues du couple français sonnent faux (« Et toi, qu’est-ce que tu vas faire, à Marrakech ? – Je vais me faire allumeur de vraies Berbères … »), leur racisme ordinaire épuise et leur ignorance est bouffonne et inepte (« On sera bientôt plus marocains que Bourguiba. »). Fouad Laroui a la plume lourde et confond peut-être alors fable voltairienne et farce niaise. Le livre s’achève sur un rééquilibrage et une forme symbolique de réconciliation méditerranéenne. La morale est sauf, l’honneur marocain rétabli, mais le plaisir de lecture amoindri.
Sur un coup de tête, François et Cécile lâchent tout à Paris pour aller s’installer à Marrakech. Quel choc quand ils découvrent, dans une petite pièce au fond du riad qu’ils viennent d’acquérir, une vieille femme qui y semble installée de toute éternité. Ni l’agence immobilière ni les anciens propriétaires ne sont en mesure de leur expliquer ce qu’elle fait là. La femme est très vieille, paisible, parlant quelques mots d’un dialecte que personne ne comprend et ne paraît absolument pas disposée à quitter les lieux. Cette présence dérangeante plonge le jeune couple dans le plus profond des embarras. Pétris de valeurs humanistes, ils ne savent comment gérer cette situation. Pas question de jeter à la rue une personne aussi fragile. Aucune institution n’est prête à l’accueillir. Impossible de retrouver sa famille. Comment aménager cette cohabitation ? La faire travailler contre le gîte et le couvert ?… mais pour faire quoi ?… La considérer comme une amie de la famille ? Mais ils n’ont absolument rien en commun. Lui trouver une chambre en ville ? Impossible de la faire partir manu militari. Accomplir un acte charitable et l’accueillir comme une SDF ? Se soumettre et accepter cette étrange situation ? Mais cette présence, aussi discrète soit-elle, reste une intrusion insupportable et un viol de l’intimité de ce couple plein de bonnes intentions.
Avec cette fable drôle et touchante, Fouad Laroui s’interroge de façon faussement naïve sur les différences culturelles et leur difficile cohabitation.
Editeur : JULLIARD
Date de sortie : 18/08/2011
14€