Notre temps - Publication du 28/06/2023 par Agnès Duperrin
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Dans cet Ehpad proche de Lyon, les résidents ont vu leurs prescriptions de médicaments - notamment d’antibiotiques, antidépresseurs et antalgique - fondre de 20 à 50% en cinq ans. On vous dit comment !
L’Ehpad Les Landiers à Bron, tout près de Lyon, accueille 120 résidents, et une équipe formée à l’humanitude, cette philosophie basée sur le respect, la dignité et l’autonomie des personnes. Le Dr Frédéric Rérolle est arrivé ici il y a cinq ans, à la demande de la directrice, Véronique Fifis, qui se désolait devant la longueur des ordonnances de la plupart des résidents, souvent plus de dix médicaments prescrits au long court.
"Cherche gériatre homéopathe"
"On sait pourtant que cette accumulation pose des problèmes de santé, surtout quand on prend de l’âge. Les personnes arrivent en Ehpad avec un degré de dépendance élevé, des fonctions altérées. J’ai cherché un médecin qui tienne particulièrement compte de cette fragilité pour amorcer une décrue des prescriptions. Je n’ai pas trouvé. Alors j’ai tapé "gériatre homéopathe" sur internet… et j’ai découvert le Dr Rérolle. Je n’avais moi-même pas spécialement recours à l’homéopathie, mais j’étais décidée à trouver d’autres solutions que le tout allopathique !" Ce généraliste utilise l’homéopathie dans l’éventail de ses pratiques depuis 35 ans. "Durant mes études, ce type de soins m’amusait, je n’y croyais pas. C’est ma patientèle qui m’a fait évoluer. J’entendais en consultation leurs témoignages de rhumes et d’otites écourtées. Je me suis formé, puis je me suis spécialisé en gériatrie", explique-t-il. Deux bonnes raisons qui le décident à relever le défi : il rejoint l’établissement.
Précieux contre une crise d’angoisse, une douleur d’arthrose…
L’homéopathie exige des prescriptions très individualisées. En quelques mots, le Dr Rérolle raconte comment il a mobilisé l’attention de toute l’équipe encadrante pour ajuster au mieux ses prescriptions aux besoins de chacun. Pas question bien sûr de stopper sauvagement un médicament. Il s’agit d’abord de gérer avec ses granules les soucis de santé ponctuels, une pathologie hivernale, un refroidissement ou coup de chaud, une crise d’angoisse… Justine Dubouis, infirmière, évoque une insolation traitée avec des granules, "nous étions surpris de voir reculer plus rapidement que d’habitude le mal de tête et chuter la température montée à 39,8°". L’homéopathie est aussi précieuse face à certaines douleurs chroniques, notamment d’arthrose. "Nous avons appris à observer plus finement comment une douleur se réveille, si elle est associée à un moment particulier de la journée, comment évolue l’efficacité des traitements, à réagir plus vite aussi. Les résidents se sentent mieux écoutés et accompagnés je crois…", poursuit la jeune femme, qui confie que cette expérience l’a fait revisiter ses propres pratiques. "Dans l’équipe, pas mal de soignants ne se limitent désormais plus à l’allopathie". Les infirmières ont gagné en autonomie, elles sont moins démunies et peuvent agir, sous le contrôle du médecin. "On stoppe dès que ça va mieux".
20 à 50% de prescriptions en moins
Les avantages sont nombreux, témoigne l’équipe soignante. La fameuse dé-prescription médicamenteuse, à laquelle les médecins sont incités par les autorités de santé pour prescrire moins et mieux, est plus facile avec cet accompagnement. "En cinq ans, nous avons réduit les prescriptions d’antibiotiques, d’antalgiques et d’antidépresseurs de 20 à 50%", estime le Dr Rérolle avec satisfaction. "En cas de toux ou de bronches encombrées par exemple, nous voyons moins de surinfection, nous avons donc moins besoin d’antibiotiques, c’est très utile en cas de Covid", illustre le médecin. Autres domaines fréquemment sollicités : les troubles digestifs, les syndromes grippaux, la petite traumatologie, les troubles de l’humeur… En soins de support, c’est une aide pour atténuer les effets secondaires des traitements habituels de maladies de longue durée telles l’insuffisance cardiaque, la maladie de Parkinson ou d’Alzheimer. "Moins de médicaments allopathiques, c’est moins de nausées, de troubles digestifs, de fatigue, d’alitement donc de chutes…", liste le médecin qui observe une amélioration de la qualité de vie des résidents. Certains résidents et leurs familles choisissent d’ailleurs cet établissement ici pour bénéficier de cette pratique. "Nous n’en voyons que des effets positifs", abonde la directrice, qui prend sur le budget global de l’établissement pour financer les granules "peu coûteuses, quoi qu’il en soit. Et quand l’estomac n’est pas bourré de médicaments qui donnent souvent un mauvais goût en bouche, l’appétit est bien meilleur !"
En ce début d’après-midi, certains résidents sont à la sieste, d’autres profitent de l’ombre des grands arbres du jardin pour se protéger d’un soleil qui tape fort. Suzanne, 88 ans, dit ne pas trop croire en cette thérapie alternative, mais elle en prend "puisqu’on m’en propose". Tout est bon pour soulager ces douleurs lancinantes d’arthrose qui la fatiguent trop souvent. Se faire du bien, sans risquer de se faire du mal, ça ne se refuse pas… A l’aube de ses 70 ans, le Dr Rérolle, lui, est prêt à partager sa pratique avec tous les Ehpad intéressés, et à passer la main de médecin coordonnateur de l’établissement.