Ce médecin a réduit de moitié le recours aux médicaments chimiques en Ehpad

Frédéric Rérolle, médecin formé à l’acupuncture, à l’homéopathie et à l’ostéopathie, travaille dans un Ehpad dans la périphérie de Lyon. Grâce à ces médecines complémentaires, il est parvenu à réduire de moitié le recours aux médicaments chimiques (antibiotiques, antiacides, anxiolytiques...) pour soigner les résidents. Sceptique au départ, tout comme lui à ses débuts, le personnel s’est peu à peu laissé convaincre en constatant l’efficacité de son approche... Entretien.

Frédéric Rérolle, vous êtes docteur en Ehpad et en 1 an, vous êtes parvenu à diminuer de 50 % la consommation d’antibiotiques. Pourquoi vous lancer dans une telle démarche ?

Je suis parti d’un constat simple : dans les Ehpad, les personnes âgées cumulent un trop grand nombre de traitements allopathiques, alors même qu’on pourrait les soigner de façon plus douce, avec des résultats tout aussi bons. Les pathologies des résidents s’accumulent au cours des années puisque leur système immunitaire s’affaiblit : ils ont facilement des bronchites, des douleurs, des diarrhées... Et le mauvais réflexe habituel consiste à allonger la liste des médicaments qu’on leur prescrit.On leur en donne tellement qu’ils sont de plus en plus nombreux à souffrir de pathologies provoquées par leurs traitements. Par exemple, les anxiolytiques et les neuroleptiques ont tendance à faire chuter les patients et à les endormir. Pris trop longtemps, les antiacides entraînent des fractures, des infections, des carences... rien qu’en France il y a plus de 15 000 morts causées par effets iatrogènes (effets indésirables des médicaments) par an !Je suis intimement convaincu que ces effets sont évitables et doivent être évités, en traitant les résidents autrement, de façon plus holistique et plus humaniste.Et nos chiffres parlent d’eux-mêmes : en un an, le nombre de boîtes d’anti-biotiques commandées à la pharmacie où nous nous fournissons a en effet diminué de 50 %. Pareil pour les antiacides (aussi appelés IPP) : on a diminué de 40 % nos commandes.à

Vous arrivez donc à vous passer des médicaments allopathiques ? Par quoi les remplacez-vous ?

Ça peut paraître étonnant, mais les infections, urinaires, les diarrhées, etc., sont souvent susceptibles d’être traitées par l’homéopathie ou l’acupuncture. Je suis aussi formé à l’ostéopathie : ce sont les 3 piliers sur lesquels je m’appuie principalement.La clé de voûte de cette nouvelle façon de fonctionner, c’est l’observation attentive et minutieuse de chaque résident, qui nous permet de rendre les traitements beau-coup plus efficaces, personnalisés et moins destructeurs. On veut trouver le remède qui correspond à la façon dont chaque personne est malade : il n’y a pas de recette universelle ! alors en effet, ça prend plus de temps, parce qu’il faut mobiliser tout le personnel médical pour dresser un portrait précis de chaque malade. Par exemple, est -ce qu’il a plus soif, ou moins soif qu’avant ? A‑t‑il développé une envie soudaine de chocolat ? À quelle heure surviennent les maux de tête ? Qu’est‑ce qui améliore les symptômes ? S’il a de la fièvre, est-ce qu’il a envie de se mettre sous les couvertures ou au contraire de prendre l’air ?C’est sûr qu’au début, ça n’a pas été évident de convaincre toute l’équipe de suivre cette méthode...à

Vous diriez que le personnel soignant était plutôt réticent ?

Oui, ces médecines énergétiques sont en permanence dénigrées par le corps médical. En un certain sens, je comprends ce mécanisme psychologique : quand on a une pensée matérialiste, on ne peut pas admettre que des soins énergétiques puissent guérir. L’homéopathie heurte un peu les principes premiers de la médecine telle qu’elle est enseignée dans les écoles. Quand on n’y est pas habitué, cela peut surprendre. Quand je suis arrivé dans cet Ehpad (à Bron, dans la périphérie de Lyon), tout le monde était plutôt sceptique. Moi-même, au tout début de mes études de médecine, j’étais comme eux. J’ai découvert l’homéopathie juste après mon internat, et je dois avouer qu’au tout début cela me semblait complètement invraisemblable. Mais à mesure que mes patients me racontaient à quel point l’homéopathie les avait aidés, et que je constatais de mes propres yeux son efficacité, je me suis progressivement laissé convaincre, jusqu’à me rendre à l’évidence : ça marche remarquablement bien.C’était à peu près pareil pour les soignants : une fois qu’ils ont constaté l’efficacité des pratiques alternatives et naturelles, ils ont cessé de douter. Je les ai donc formés à l’observation en homéopathie, pour qu’on puisse travailler en équipe. C’est un traitement beaucoup plus « économique » : comme on travaille à restaurer l’équilibre vital du corps, une fois que celui-ci est restauré le traitement s’arrête. Un peu comme lorsqu’on débouche un lavabo : une fois qu’il est débouché, pas besoin de le refaire chaque jour !

Auriez‑vous un exemple de guérison grâce à ces méthodes douces ?

Je soigne tous les jours des douleurs articulaires, des lumbagos, des gastrites, mais je pense à un cas particulièrement marquant : celui d’une patiente atteinte d’alzheimer qui criait toute la journée depuis des années le mot « maman ». Elle était en unité de soins protégée, celle qui est réservée aux résidents avec des pathologies qui nécessitent des soins et une attention constante. Comme les crises s’intensifiaient, j’ai essayé de la traiter en homéopathie. J’ai beaucoup tâtonné, en partie parce que l’interrogatoire était impossible : j’ai donc dû faire reposer tout mon diagnostic sur l’observation. Un remède en particulier s’est avéré très efficace pour son cas : Stramonium, en 200 CH.On a dilué les granules dans une bouteille d’eau, dont on lui faisait avaler une cuillère à soupe quelques fois par jour. Elle s’est arrêtée de crier, presque instantanément, c’était assez impressionnant.Ces derniers mois, pour faire face à l’épidémie de Covid qui a déferlé sur l’Ehpad, j’ai aussi eu recours à des dilutions homéopathiques. Même si on a été un peu pris de court, ça a fonctionné pour beaucoup de résidents, après une petite période d’adaptation. Au début, ça a été plutôt difficile, j’ai beaucoup tâtonné avant de trouver les remèdes adaptés ; mais j’ai fini par établir une petite liste de traitements efficaces en fonction de la forme selon laquelle se manifestait le virus. Pour les cas de grande détresse respiratoire et d’asphyxie, j’ai surtout prescrit Carboneum oxygenatium. Pour les cas où on observait des atteintes cérébrales, j’ai beaucoup utilisé Hyosciamus. Et les résultats ont été au rendez-vous.

Les défenseurs de l’homéopathie disent parfois qu’elle fonctionne comme un « placebo », mais les exemples que vous venez de citer contredisent cette idée, puisque ces patients n’étaient probablement pas conscients que vous étiez en train de leur administrer un remède homéopathique…

C’est évident qu’il se joue autre chose qu’un simple effet placebo. Pour tout vous dire, je soigne même des plantes et des animaux avec l’homéopathie ! Pas d’effet placebo qui tienne dans ces cas-là. Je traite moi-même tous mes rosiers et mes buis avec des dilutions homéopathiques. C’est toute une branche qui s’est développée ces dernières années : l’agrohoméopathie. Ce sont des agriculteurs qui parviennent à se débarrasser des champignons et des parasites qui détruisent leurs cultures avec de l’homéopathie. Contre la pyrale du buis (une chenille particulièrement répandue et difficile à éradiquer), par exemple, ça fonctionne très bien ! Je dilue quelques granules dans un arrosoir, et j’arrose le pied de buis avec la solution obtenue (on peut aussi pulvériser le remède sur les feuilles). Pour une partie des buis de mon jardin, j’ai utilisé Psorinum, mais quand ça ne fonctionne pas, je fais simplement une dilution de la pyrale, moi-même. Comme chez l’homme, le but est d’aider la plante à développer elle-même ses propres défenses contre l’envahisseur, afin qu’elle n’ait plus besoin d’une tutelle chimique quotidienne.

C’est une différence notable avec les traitements classiques que nous sommes obligés de prendre tous les jours !

Oui, les traitements allopathiques sont palliatifs, ils luttent contre un symptôme, le bloquent : « anti‑inflammatoires », « antidépresseurs », « anticoagulants... » : ils ciblent un problème précis, et dès qu’on arrête de les prendre, ils arrêtent d’agir.La médecine que je pratique ne découpe pas le corps du patient en morceaux, elle cherche à lui rendre son équilibre, c’est pour cette rai-son aussi que la « guérison » est plus durable, et demande de moins grandes quantités de médicaments, surtout lorsqu’on travaille en équipe.Une de mes patientes, par exemple, avait glissé de son fauteuil et s’était cassé l’extrémité supérieure de l’humérus en tombant. Elle avait du mal à supporter la douleur et le bandage mis en place lui bloquait désagréablement l’épaule. Je lui ai donné Symphytum en 7 CH, 3 granules par jour, et ses douleurs ont été soulagées très rapidement : à la grande surprise du kinésithérapeute, en quelques jours, elle pouvait même mobiliser son épaule sans douleur.àSi la médecine naturelle est efficace, pourquoi selon vous n’est‑elle donc pas plus répandue dans les Ehpad ?Évidemment, il y a un paramètre pratique : le diagnostic homéopathique prend du temps, demande de l’implication et beaucoup de patience. C’est un des freins auxquels je me suis heurté ici dans le cas de per-sonnes âgées ; les troubles cognitifs rendent l’interrogatoire encore plus délicat et moins fiable. L’équipe de soignants doit donc redoubler d’efforts et d’attention, ce qui demande une certaine implication de la part de toute l’équipe et probablement plus de temps passé avec chaque patient.En allopathie, au contraire, tout est plus rapide puisqu’on suit un protocole : toutes les angines se soignent de la même façon, quel que soit le terrain sur lequel elles se développent, peu importe la personne qui en développe les symptômes.Mais l’obstacle le plus fort à mon avis reste idéologique : les soignants ne sont pas convaincus, alors qu’ils auraient toutes les raisons de l’être ! Il y a tant de pathologies chroniques que l’homéopathie peut traiter ! Celles-là mêmes contre lesquelles la médecine allopathique a bien sou-vent du mal à être efficace. Pour moi c’est presque une évidence : tous les généralistes devraient être un peu homéopathes. Il n’y a qu’à parler aux patients pour en être convaincu.Malheureusement, je pense que la reconnaissance institutionnelle n’est pas encore pour tout de suite. On disait au siècle dernier que ce serait « la médecine du XXIe siècle », je crains qu’elle ne soit en vérité celle du XXIIe…

recueilli par Mathilde Van Roy
JaNvIEr 2021 • Alternatif bien-être N°172


Ehpad : chaque prescription fait 8 lignes en moyenne

La France est un des pays les plus consommateurs de médicaments, avec une moyenne de 48 boîtes par habitant et par an... Et avec l’âge, le nombre augmente encoreLes plus de 60 ans consomment plus de 40 % de tous les médicaments Ils sont plus exposés que les autres aux « prescriptions millefeuilles » liées au cumul des traitements : chaque prescription fait en moyenne 8 lignes en Ehpad, à cause de la multiplication des prescripteurs (médecin traitant, spécialiste, urgentiste, médecin coordinateur...) Cette accumulation provoque à son tour de nombreuses pathologies responsables, dans 20 % des cas, d’hospitalisations.
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Politiquedu_medicament_en_EHPAD_final.pdf