Qu’est ce qu’une pathogénésie ?

Qu’est ce qu’une pathogénésie ?

Dr. JM. Deschamps - 10/2017

• Définition :
La pathogénésie (« proving » en anglais) est l’ensemble des signes (ou symptômes) provoqués par l’expérimentation d’une substance sur plusieurs personnes censées être en bonne santé.
Ces signes sont d’ordre psychique et physique, et, pour une substance donnée, peuvent intéresser toute partie du corps humain. Les pathogénésies sont rassemblées dans des recueils nommés Matières médicales, dont la plus ancienne est la Matière médicale pure de Samuel Hahnemann. On les trouve maintenant sur des sites informatiques (ex : http://provings.info/en/index.html)

De ces pathogénésies découle la loi fondamentale de l’homéopathie, la loi de similitude :

« Toute substance capable de provoquer chez l’homme sain et sensible un ensemble de symptômes, est capable, à dose extrêmement faible (infinitésimale), de faire disparaître un ensemble de symptômes semblables chez l’homme malade ».

C’est donc grâce à la connaissance de ces pathogénésies, qui constituent le socle de l’homéopathie, que les homéopathes sont capables de trouver le remède d’un patient, en comparant les symptômes qu’il présente avec les signes récoltés par les expérimentations.
Au cours des 200 dernières années, à la suite d’Hahnemann qui a réalisé une soixantaine de pathogénésies, les Matières Médicales se sont enrichies grâce :
- à d’autres expérimentations faites par les générations d’homéopathes du monde entier
- à l’observation de symptômes qui ont été modifiés ou qui ont été guéris par le remède, alors qu’ils ne figuraient pas dans la pathogénésie initiale.
- à des symptômes provoqués par des empoisonnements (ex : arsenic, cigüe...), ce sont des symptômes « toxicologiques »

• Qu’est ce qu’une bonne pathogénésie ?

La pathogénésie étant le fondement expérimental de notre pratique, il est important que nous accordions la plus grande attention à sa réalisation. Dans l’histoire de l’homéopathie, certaines expérimentations ont souffert d’un grand manque de rigueur scientifique.

La première exigence concerne la qualité et l’identification de la souche, végétale, animale ou minérale, qui va être expérimentée.

- Certaines araignées, nous dit Agnès Flour, médecin homéopathe et aranéologue, n’étaient pas clairement identifiées. Elles n’étaient pas non plus décrites avec précision (ce qui interdit toute vérification ultérieure).

- Des symptômes provenant de morsures par des animaux non identifiés sont inclus dans les Matières Médicales (Allen). De même, des symptômes provenant de morsures d’autres araignées ou de scorpions sont également mêlés à la pathogénésie d’une araignée donnée…

- Les homéopathes n’ont pas consulté les travaux des biologistes, zoologistes, etc... Résultat, d’anciennes publications homéopathiques contiennent des contrevérités scientifiques dont voici quelques exemples :

* On lit souvent que les araignées (qui sont des Arachnides) sont des Insectes voire des Myriapodes (Allen) (alors qu’il est évident qu’elles ne sont pas des mille-pattes !).

* L’origine du remède Tarentula hispanica soulève des questions importantes. En effet, plusieurs travaux depuis1950 ont établi que la pathogénésie de la soi-disant "Tarentula hispanica" repose en réalité sur des expérimentations et des symptômes d’envenimations par la veuve noire (Latrodectus tredecimguttatus) dont il n’y a jamais eu d’expérimentation !

* Pour les mêmes raisons, il y a aussi, dans les pathogénésies de remèdes végétaux, des confusions entre certaines plantes (Angustura).

Compte-tenu de l’évolution de la taxinomie (classification des êtres vivants) et de ses difficultés, il est donc essentiel que tout animal ou végétal servant à une pathogénésie, soit photographié et décrit avec soin (y compris la date et le lieu où il a été prélevé), et qu’il soit identifié précisément (genre et espèce) par un spécialiste (en zoologie ou botanique). Cette "carte d’identité", publiée avec l’expérimentation elle-même, permettrait aussi aux générations futures d’exploiter en toute confiance notre travail !

Les autres exigences concernent l’organisation de la pathogénésie :

• Méthodologie de la pathogénésie

« La meilleure occasion d’exercer votre sens de l’observation et de le parfaire est d’expérimenter des remèdes par vous-même. » (S. Hahnemann)

Il y a 3 types de personnes dans une pathogénésie, les deux premiers doivent être des médecins homéopathes confirmés qui connaissent bien la technique de l’entretien homéopathique.

  • l’organisateur
  • les superviseurs
  • les expérimentateurs

Expérimentation suivant le protocole conseillé par Jeremy Sherr, avec quatre phases :

1/ Consultation préalable, où le superviseur évalue les symptômes habituels de son expérimentateur :

« Votre superviseur vous contactera avant que vous ne commenciez la pathogénésie. Le but de cette rencontre préalable n’est pas de faire une vraie consultation homéopathique : il s’agit pour le superviseur de relever les traits principaux et la symptomatologie (actuelle et passée) de l’expérimentateur. Ces informations nous permettront de faire la distinction entre votre état naturel et ce qui s’est modifié suite à la prise du remède ».

2/ Prise des doses (six doses sont à disposition en général)

« Si vous ne voyez aucun symptôme apparaître, prenez la dose suivante 6 heures après la précédente, et encore une autre 6 heures après en l’absence de symptômes. Le remède doit être pris trois fois par jour pendant deux jours (six prises maximum). Dès que vous éprouvez des symptômes, ou que ceux qui sont autour de vous observent quelque chose d’inhabituel, ne prenez plus aucune dose du remède ».

Observation et recueil des symptômes pendant les 2 mois qui suivent, les symptômes sont recopiés dans les cahiers ou mieux à présent, des fichiers informatiques. Les superviseurs et les expérimentateurs se voient ou se contactent fréquemment (skype, téléphone) dans les 3 premières semaines.

3/ Mise en commun de l’expérience de chacun au cours d’une réunion rassemblant expérimentateurs et superviseurs. Tout expérimentateur doit entendre les symptômes des autres et pouvoir les comparer aux siens. L’organisateur révèle le nom de la substance en fin de réunion, parle de la souche (d’où vient le remède) et des éventuelles pathogénésies déjà effectuées avec cette substance.

4/ Exploitation et synthèse de la pathogénésie qui sera écrite et si possible publiée.

Signalons une difficulté importante dans cette étape qui est de savoir décider quels symptômes de la pathogénésie sont valables et lesquels ne le sont pas. Si nous sommes trop crédules, nous pouvons inclure des symptômes qui n’appartiennent pas à la pathogénésie, ce qui conduit à des générations entières d’erreurs… Si nous sommes trop sévères, nous risquons de perdre des symptômes valables. L’expérience a montré qu’un symptôme paraissant douteux et émanant d’un seul expérimentateur d’Hahnemann a pu être vérifié cliniquement plusieurs fois au fil des années…

Pour tempérer cette difficulté, des critères d’inclusion de symptômes ont été suggérés : les symptômes habituels et récents sont exclus. Un symptôme habituel mais modifié par l’expérimentation est inclus en décrivant clairement ce qui relève de l’habituel et du transformé, et un symptôme apparu plusieurs années auparavant et qui se renouvelle sans raison pendant la pathogénésie doit être inclus. Si un symptôme existant préalablement disparaît on doit le noter (SG). Si un symptôme est très intense et quotidien il acquiert de la valeur, de même s’il est rapporté par plusieurs expérimentateurs.

A noter que :

  • Une seule personne, l’organisateur du proving, connaît la substance expérimentée (simple aveugle). On peut aussi faire tirer au sort le remède parmi plusieurs remèdes possibles de telle façon que l’organisateur ne le connaisse pas (double aveugle).
  • Il y a en général des placebos dans les lots de remèdes distribués, même s’il n’est pas nécessaire d’en mettre beaucoup.
  • Toute personne présentant un état pathologique en exacerbation aiguë ou non stabilisé doit s’abstenir d’expérimenter. Idem pour les femmes enceintes.
  • Tout expérimentateur doit ignorer les symptômes manifestés par les autres expérimentateurs pendant toute la durée de la pathogénésie.
  • Un symptôme pathogénétique, c’est  :
    • tout nouveau symptôme, c’est-à-dire un symptôme que vous n’avez jamais éprouvé auparavant,
    • tout changement ou toute intensification d’un symptôme existant,
    • tout retour marqué d’un ancien symptôme, c’est-à-dire un symptôme que vous n’avez pas éprouvé depuis plus d’un an.
  • D’une manière générale, moins les pathogénésies sont sérieuses, complètes, fouillées, plus elles abondent en signes banals, communs (anxiété, irritabilité etc...) par opposition aux symptômes étranges et caractéristiques qui valoriseront un remède. Et si ces symptômes manquent, le remède a toutes les chances de ne pas être mémorisé, il ne sera pas utilisé par les homéopathes.